Gagner en attractivité :
un défi de taille pour recruter… et fidéliser !
Dans la série « Hospitalité engagée », menée en collaboration avec le magazine Un oeil en salle , nous abordons le premier thème « Gagner en attractivité : un défi de taille pour recruter et fidéliser ! ». Retours d’expériences de 3 maisons membres des Grandes Tables du Monde : Restaurant Christophe Bacquié, Le Parc et La Table de Yoann Conte, sur les initiatives mises en place pour recruter et fidéliser leurs collaborateurs en cette ère post-Covid.
« Le problème de recrutement ne date pas d’hier, certes il s’est accentué avec le Covid-19, mais cette période nous a permis en tant qu’employeur de nous adapter et de ne pas être dans l’immobilisme ! À la réouverture, nous avons réalisé un diagnostic complet de nos établissements en envoyant un questionnaire à nos 150 salariés avec des questions ouvertes et fermées. Nous avons vu ce qui fonctionnait ou pas, et quelles étaient les pistes d’améliorations à mettre en place », explique Alexandra Bacquié, directrice générale de l’Hôtel & Spa du Castellet, hôtel 5 étoiles intégrant le Restaurant Christophe Bacquié, triplement étoilé, au Castellet (83). Malgré les entretiens de fin d’année pour les CDI (70 collaborateurs à l’année), ce diagnostic avait pour objectif de prendre le pouls de tous les salariés, y compris les CDD, mais aussi de valoriser les avantages déjà en place. Des avantages qui sont dorénavant clairement listés sur le site Internet dans l’onglet ‘Recrutement’. « Car en réalité, certains n’avaient pas connaissance de leurs avantages (150 euros de chèques cadeaux par an, versement d’un 1⁄2 treizième mois, tarifs spéciaux sur les prestations (hors bar), prise en charge à 100% de la mutuelle d’entreprise, accès gratuit aux salles de fitness, carte « Relais Team » à 100 euros la nuitée…). Parmi les retours, ce ne sont pas les conditions de travail ou le salaire qui étaient importants, mais les loisirs et la qualité de vie au sein de la résidence du personnel », détaille-t-elle. L’établissement n’étant pas dans un village, et certains n’ayant pas leur permis, Alexandra et Christophe Bacquié ont pris une société extérieure pour réaliser les repas, mis en place une liste drive pour les courses, ajouté un terrain de pétanque et des tables de jardin. Autant d’améliorations pour rendre le temps off agréable, car comme ils l’indiquent, rejoindre la #TeamCastellet est une aventure humaine…
”
« Après cette période, il y a eu une mutation sociétale profonde, où les salariés ne sont plus prêts à sacrifier leur vie privée, il faut en tenir compte en tant qu’employeur ! »
”
Arnaud Valary, directeur général du Domaine des Crayères
Avoir un confort de vie (travail en continu, 3 jours off…) et une promesse forte
À Reims (51), le Domaine Les Crayères n’a pas eu de « déperdition des équipes à la reprise », comme le constate son directeur général, Arnaud Valary, qui supervise 140 salariés. « Mais je pense que les Maisons qui ont une promesse forte ont été plus épargnées que d’autres ! Le recrutement est toujours possible mais plus lent… Après cette période, il y a eu une mutation sociétale profonde, où les salariés ne sont plus prêts à sacrifier leur vie privée, il faut en tenir compte en tant qu’employeur ! » Initié il y a 10 ans déjà à la brasserie Le Jardin, le Domaine Les Crayères a communiqué le 22 mai dernier sur le lancement du travail en continu pour les équipes du restaurant doublement étoilé Le Parc avec le chef Philippe Mille. Exit donc les coupures ! « Il nous a fallu 10 mois de réflexions, car le changement financier est bien là. Nous en avons parlé communément avec le chef Philippe Mille, le directeur de salle Michel Gebel, le chef sommelier Martin Jean et la famille Gardinier. Il n’était pas question de fermer des services, nous avons cette chance d’avoir deux clientèles différentes (midi et soir). Ce projet est dans la lignée de notre quête d’excellence collective et d’équilibre personnel », précise Arnaud Valary.
Le nouveau rythme pour chaque collaborateur ? Une semaine du matin en continu, une semaine du soir en continu, et une semaine en coupures. Un travail complexe aussi avec les plannings, pour que les équipes du matin et du soir, qui vont aussi travailler en binôme, se voient pour le passage des consignes. « Les horaires sont 100% garantis pour la clientèle ! Nous ne voulions pas de fluctuation, renchérit-il. Également, ça été une très belle nouvelle pour nos salariés, qui ne s’y attendaient pas ! Ils l’ont intégré à leur échelle individuelle. L’un d’eux a dit : ‘Top, je vais pouvoir reprendre le sport’ ». La mise en application du travail en continu implique de recruter 19 personnes, dont 10 en salle et 9 en cuisine. « Mais pas d’annonce ! Nous avons demandé à chacun d’activer leur réseau. Ce qui permet de les impliquer, poursuit-il. Trois mois plus tard, 17 recrutements sur 19 furent réalisés et le service continu mis en place ! Reste deux sommeliers ! À vos CV ! »
Même constat pour Élodie Conte, directrice générale de La Maison Bleue à Veyrier-du-Lac (74) où se trouve le restaurant deux étoiles La Table de Yoann Conte : « Nos employés veulent aujourd’hui avoir un confort de vie ! » Après la mise en place d’une pointeuse il y a 5 ans, Élodie et Yoann Conte ont décidé d’instaurer 3 jours consécutifs de repos (du lundi au mercredi) en 2022. Les salariés se donnent à fond pendant 4 jours, certes en coupures, mais peuvent profiter des 3 jours restants. « Ils font 42 heures par semaine, et grâce à la pointeuse, peuvent récupérer les horaires en trop pour que nous soyons au plus juste », insiste Élodie Conte, qui n’exclut pas de bannir les coupures sur le moyen terme. En salle, au restaurant doublement étoilé La Table de Yoann Conte, 3 directeurs s’alternent déjà : Sita Bicking, Amaury Frénoy et Gautier Michaud-Pham. Élodie et Yoann Conte ont également souhaité « créer encore plus de liens » avec tous les collaborateurs (jusqu’à 70 l’été). Ainsi, une fois par mois, ils organisent une visite culturelle (visite d’un vigneron, d’un producteur) ou une sortie team building (karting, rafting…).
”
« Il ne faut plus être figé, il faut s’adapter à la demande ! Tout comme demander un curriculum vitae (CV), qui veut tout dire et ne rien dire à la fois ! Selon moi, c’est la motivation qui prime. »
”
Élodie Conte, directrice générale de La Maison Bleue
S’adapter au marché
Parmi les autres changements sociétaux, les jeunes qui arrivent sur le marché « zappent » vite. « Ils ont besoin de challenge et d’être stimulés », reconnaît Alexandra Bacquié, qui vient d’expérimenter la polyvalence des postes pour qu’ils puissent avoir une expérience globale et complète. Beaucoup privilégient aujourd’hui un CDD. Ainsi, elle a revalorisé la prime d’ancienneté à 85 euros/mois pour ceux qui cumulent un deuxième CDD. Au-delà de 3 mois, un collaborateur en CDD se voit redistribuer le résultat. « C’est la loi, et il participe à l’effort collectif ! », dit-elle. Idem pour Élodie Conte, qui se voit proposer de plus en plus de contrats courts, des CDD ou des temps partiels. « Il ne faut plus être figé, il faut s’adapter à la demande ! Tout comme demander un curriculum vitae (CV), qui veut tout dire et ne rien dire à la fois ! Selon moi, c’est la motivation qui prime. J’ai l’exemple d’une jeune femme que j’ai eu en entretien et qui m’a annoncé être enceinte, vouloir 1 week-end sur deux. Je l’ai embauchée car ses compétences m’ont plues ! Nous faisons des métiers de partage. »
Tous trois avec Arnaud Valary s’accordent sur la nécessité de faire également une journée d’intégration. « C’est ce que l’on m’a demandé d’organiser. C’est induit et ça s’entend », admet le directeur général des Crayères. Au Castellet, elle s’organise en deux temps pour garder une atmosphère à taille humaine. « Quant aux stagiaires, mon mari les invite au restaurant trois étoiles à la fin de leur stage ! », poursuit Alexandra Bacquié, qui a pris conscience aussi que les collaborateurs veulent dorénavant donner un sens à leur métier. Qu’ils ont besoin d’un engagement sociétal… Ainsi, les salariés à l’accueil ou à la réception qui le souhaitent sont en tutorat avec des personnes en situation de handicap de l’ADAPEI. Et ça plaît ! Idem à Veyrier-du-Lac, « chaque nouveau salarié bénéficie d’un parcours d’intégration, explique Élodie Conte. Ils sont invités au restaurant gastronomique afin qu’ils puissent s’imprégner de la cuisine de Yoann et ainsi comprendre mieux l’univers du chef et de la Maison Bleue. » Elle observe que ses employés ont besoin de « plus d’amour et de proximité après le Covid-19. Nous sommes comme une deuxième famille ! » Elle a recruté en début d’année son frère Baptiste Le Mesle, ancien marin-pompier de Marseille, joue le rôle de directeur d’établissement avec une fonction de RH – et de « Monsieur Loyal », à l’écoute des employés. « Ils viennent naturellement vers lui ; on s’amuse en interne à appeler ça ‘Pause café, pause tendresse’ », sourit-elle. Arnaud Valary, quant à lui, a décidé de dématérialiser le planning des salariés grâce à l’application Skello. « C’est plus contemporain que le papier ! se réjouit-il. Ils n’ont pas non plus besoin d’attendre une réponse, c’est intuitif. En terme d’image salariés, c’est une bonne chose ! Ça permet de créer une galaxie autour d’eux. »
@ Live and shootv
”
« Il faut désacraliser l’hôtellerie haut de gamme ! Nos collaborateurs sont des prospects ! Nous allons créer un film commercial avec eux pour valoriser les atouts à venir travailler chez nous. L’image que l’on dégage à l’extérieur est très importante… »
”
Alexandra Bacquié, directrice générale de l’Hôtel & Spa du Castellet
S’ouvrir à l’extérieur et valoriser son potentiel
Selon Alexandra Bacquié, « il faut également désacraliser l’hôtellerie haut de gamme ! » Avant la fermeture annuelle de l’établissement, elle a initié une journée portes ouvertes. L’objectif : venez voir votre cadre de travail et parlez aux collaborateurs déjà en place ! Par ce biais, elle a recruté 5 personnes. Ce qui permet de ne pas négliger le potentiel local, ni ceux qui sont en reconversion professionnelle. « Nos collaborateurs sont des prospects ! Nous allons créer un film commercial avec eux pour valoriser les atouts à venir travailler chez nous. L’image que l’on dégage à l’extérieur est très importante… » En effet, les réseaux sociaux sont des outils à ne pas négliger. Élodie Conte en a bien conscience aussi, et publie des vidéos « pour montrer la diversité des cultures qui font la richesse de notre maison. » Les salariés ont ainsi ce sentiment d’appartenance à une équipe, à un établissement. Un autre engagement a été pris cette année à l’Hôtel du Castellet : accompagner les collaborateurs dans la résolution des problèmes. « Il faut les intégrer, valoriser le management collaboratif. Ça évite aux managers de donner les réponses, et que ces derniers ne s’épuisent », prône la directrice générale, qui organise dorénavant, une fois/mois avec ses managers, en plus du séminaire annuel, une réunion extra-professionnelle. Ensemble, ils abordent des projets comme la création d’une newsletter et d’un Intranet dédiés aux équipes, la soirée du personnel… Autant d’exemples de Grandes Tables qui s’impliquent, en cette ère post-Covid, pour réinventer leur vision du management, recruter différemment, et surtout fidéliser par l’engagement.
Domaine des Crayères : les équipes de salle et de cuisine réunies, le 1 er avril 2022.
Hôtel du Castellet : retour sur la soirée Yoga/pétanque & Wine organisée par le comité d’entreprise pour les équipes de l’Hotel & Spa du Castellet et du Grand Prix Hôtel & Restaurant. Un beau moment tous ensemble avant de démarrer la haute saison, le 24 mai 2022.
Hôtel du Castellet : les équipes commerciales et réservations ont pu découvrir le Domaine viticole de la Bégude le temps d’une visite, le 19 mai 2022.