Astoria Koh
« Avec le Chef Guillaume Gaillot, je me sens supportée, appréciée et ça joue un grand rôle dans le fait de rester dans une entreprise. A moi aussi d’apporter mon soutien à mon équipe. Si quelqu’un vient me voir et me dis je n’arrive pas faire telle ou telle chose, je dois trouver une façon de l’aider. »
De toutes les facettes de la gastronomie française, il en est une qui certainement, fait encore plus rêver que les autres : celle de la pâtisserie. Aux quatre coins du monde les aspirants de cette discipline s’en remette à ses bases et techniques pour créer des desserts que tous reconnaissent et apprécient.
Astoria Koh en a fait son métier. Et même si la cheffe pâtissière n’a jamais mis les pieds en France, elle connait tous les secrets de la pâtisserie hexagonale, et suit, via les réseaux sociaux les stars du domaine. Précision, rigueur, fidélité sont les mots qui la caractérisent. Presque 10 ans, (avec une seule brève interruption) qu’elle œuvre aux côtés du Chef Guillaume Galliot qu’elle a suivi de Singapour à Macao, puis à Hong Kong. Chez Caprice, le trois étoiles Michelin de l’hôtel Four Seasons, où sept personnes sont dédiées à la section pâtisserie, le dessert est la conclusion d’une gastronomie française en tous points maitrisée.
Quelle a été votre formation ?
Quand j’ai fini l’école secondaire, à Singapour où je suis née, j’ai travaillé quelques mois à temps partiel dans une pâtisserie et j’ai vraiment adoré ce job. J’ai toujours aimé faire de la pâtisserie, mais pour le plaisir. Je ne voyais pas ça comme une carrière possible. Alors j’ai poursuivi pendant 3 ans des études en design et architecture d’intérieur. Tout en continuant à travailler en pâtisserie. Et j’ai finalement compris que je voulais vraiment me lancer dans ce domaine. J’ai alors décidé de suivre une formation au Cordon Bleu, une référence pour quiconque veut étudier la cuisine. J’ai choisi l’Australie parce que y vivait un oncle, et aussi parce que l’enseignement s’y fait en anglais, une langue que je maitrise. J’y ai appris les bases indispensables pour progresser, et j’ai adoré le temps passé là-bas. Jamais je n’ai eu l’impression d’étudier, j’étais à fond dedans et c’était juste du plaisir !
Existe-t-il une connexion entre design et pâtisserie ?
Oui ! Je pense que cette formation en design me permet de créer plus facilement quelque chose en trois dimensions. Je vois plus clairement le résultat, les couleurs, les formes.
J’ai pensé au début de ma carrière que ces études avaient été une perte de temps mais avec le recul je vois qu’elles m’ont donné des bases solides pour travailler.
Parcours de Astoria Koh
- 2008 – 2009 : diplômée de l’école Cordon Bleu, Sydney, Australie
- 2009 – 2012 : pâtissière au 2am:dessert bar, Singapour
- 2012 – 2017 : cheffe de partie puis cheffe pâtissière, The Tasting Room by Galliot (Macao, 2**)
- 2017 – 2018 : sous cheffe pâtisserie, L’Atelier Joël Rebuchon, (Singapour, 2**)
- Depuis 2018 : sous-cheffe pâtisserie, Caprice, Hôtel Four Seasons, (Hong-Kong, 3***)
Avez-vous toujours fait de la pâtisserie française ?
La toute première pâtisserie où j’ai travaillé était plutôt anglo-saxonne, on y faisait des gâteaux aux carottes, au chocolat, des cookies…Lors de mes études culinaires, tout ce que je savais, c’était que je voulais faire de la pâtisserie. Je ne me demandais pas quel type de gâteaux, ni si ce serait dans une boutique ou un restaurant. Mon premier emploi m’a amenée dans un restaurant et c’est comme cela que tout a commencé. J’ai travaillé dans un célèbre bar à dessert de Singapour, le 2am de Janice Wong. Un restaurant de desserts uniquement, où il y en avait 14 différents au menu. Une révélation pour moi ! A l’école, nous n’avions qu’un ou deux cours sur les desserts à l’assiette et de très classiques en plus. Mais dans ce bar à dessert, c’était complètement différent, beaucoup plus artistique, avec beaucoup d’espace pour créer en termes de saveurs, de design, à mettre dans une assiette. Voilà ce qui m’a amené au dessert de restaurant.
Comment se fait la collaboration avec le Chef Guillaume Galliot ?
Chef Guillaume était mon premier chef français et j’ai tout de suite aimé travailler avec lui.
Il me donne beaucoup de liberté pour m’exprimer, il est très ouvert à ce que je lui propose, tout en me donnant ses avis et conseils. Je suis en constant apprentissage, j’apprends énormément à ses côtés.
Il a un excellent palais et parfois, alors que je pense qu’un plat est complété, il me suggère d’ajouter une saveur inédite. Un exemple : pour compenser le coté sucré d’un dessert, on y ajoute souvent une composante acide qui donne un kick. Du jus ou du zeste de citron… mais lui me dit : et pourquoi ne pas utiliser du vinaigre ? Personnellement je n’aime pas trop le vinaigre… mais je suis son conseil en me disant que ça donnera une nouvelle dimension à mon plat. Voilà le genre de choses que nous explorons ensemble. Quand vient le temps de changer la carte, le chef lance quelques idées, quelques ingrédients à partir desquels je dois créer quelque chose. Par exemple, un exercice cerise et chocolat. Si l’inspiration ne vient pas tout de suite, je dors dessus et souvent le matin je me réveille avec une idée en tête. Alors je dessine le dessert et tout se construit à partir de ça. Ensuite le chef goûte et nous décidons de ce qui doit évoluer pour obtenir le dessert parfait !
Où trouvez-vous votre inspiration, allez-vous voir ce qui se fait ailleurs à Hong-Kong ?
Il m’arrive de tester ce que font les autres, mais pas tellement en fait. Mes temps off sont précieux, je me repose ou je fais du sport. Mais je surveille on line ce qui se fait et si ça me parait intéressant peut être vais-je aller voir et essayer. Avec internet, nous avons accès à tellement d’information. Donc je regarde ce qui s’y passe et je lis beaucoup aussi. C’est souvent là que je vais puiser mon inspiration. Disons que si j’ai une idée, un goût en tête, je me connecte, je cherche, j’explore, je vois ce qui a déjà été publié sur le sujet, puis je crée ma propre interprétation.
Quels types de desserts sont proposés chez Caprice ?
Il faut savoir qu’en Asie, on importe énormément de produits. Hong-Kong et Singapour sont similaires sur ce plan. J’ai donc grandi sans me poser de questions sur la saisonnalité ou la provenance des produits. Tout ce que vous voulez, vous pouvez l’avoir. Peut-être la saveur n’est-elle pas au top, mais vous pensez que c’est ça le goût des choses. Or le Chef met beaucoup l’accent sur les saisons et c’est de cette façon que nous travaillons. Quand c’est la pleine saison des fraises, en été, nos desserts sont basés dessus et quand c’est fini, nous passons à autre chose. Si quelqu’un me demande un shortcake aux fraises en décembre, c’est hors de question ! Nous suivons donc les saisons françaises et ne travaillons qu’avec les meilleurs produits, presque exclusivement importés de France. Si nous ne pouvons pas les avoir pour une recette précise et bien tant pis, nous préparons autre chose !
Quels sont les goûts de vos clients ?
Certes, les gens de Hong-Kong sont de grands voyageurs, ils en ont vu beaucoup, mais au fond ne sont en général pas très aventureux. Nous savons très bien parmi les desserts que nous proposons lesquels seront en majorité choisis par nos clients car ils savent excatement ce qu’ils aiment . S’ils veulent du chocolat et bien c’est du chocolat et rien d’autre ! Certains de nos desserts sont à la carte depuis longtemps : le mille-feuilles chocolat banane, le soufflé…
Ils choisissent habituellement les classiques et pas trop sucré. Mais nous essayons aussi de les surprendre avec des créations inédites.
Et vous quel est votre produit préféré ?
Le caramel ! C’est vraiment génial car ce n’est que du sucre qu’on doit mettre à chauffer. Mais la façon dont il change, les couleurs et saveurs qu’il prend : doux et sucré quand il est clair, puis plus foncé alors qu’il prend de la profondeur, avec une légère amertume…
J’adore travailler avec ça ! Nous avons par exemple réalisé une interprétation de ma barre préférée, le Snickers. C’est un dessert composé d’une mousse au caramel sur une base de nougat à la cacahouète avec une glace chocolat. Un délice !
Où vous voyez vous dans quelques années, quel serait votre travail de rêve ?
J’y suis. C’est mon travail de rêve ! Vraiment. J’aime travailler ici, avec le Chef Guillaume. Je me sens supportée, appréciée et ça joue un grand rôle dans le fait de rester dans une entreprise. A moi aussi d’apporter mon soutien à mon équipe. Si quelqu’un vient me voir et me dis ne pas parvenir pas faire telle ou telle chose, je dois trouver une façon de l’aider.
Tant que je suis en cuisine, tant que je fais de la pâtisserie, que je crée, je suis heureuse et j’espère y rester le plus longtemps possible.
Travailler dans un restaurant peut être à la longue fatigant physiquement, mais j’espère bien être en mesure de le faire encore 10 ans ! Parce que si vous me sortez de la cuisine je serai vraiment triste !