Il y a des maisons où l’on entre comme pour un pèlerinage.
Chez Dal Pescatore, on ne franchit pas seulement une porte, on rencontre une mémoire, celle d’une famille qui, depuis trois générations, écrit une des plus belles histoires de la cuisine italienne.

Rien ici n’est ostentatoire. La beauté se cache dans la justesse : la nappe blanche, la lumière douce, le rythme fluide d’une salle qui respire. Antonio Santini, figure tutélaire, le pape de l’hospitalité, ne dirige pas ; il veille. D’un regard, d’un mot, d’un sourire, il vous fait vous sentir attendu, reconnu, presque adopté. À ses côtés, Alberto, son fils, poursuit cette mission avec une énergie douce, une fraîcheur et une passion sincère pour les vins. Son œil s’illumine lorsqu’il parle d’un cépage, d’un millésime ou d’un producteur qu’il aime ; on y lit tout l’amour d’une transmission vivante.

Et pendant ce temps, dans la cuisine, Nadia Santini.
Son aura emplit la maison avant même qu’on ne la voie. C’est une présence calme, rayonnante, de celles qui rendent la gourmandise humble et la cuisine généreuse.
Elle est entourée de Giovanni Santini, son fils, dont la précision et la sensibilité accompagnent désormais la sienne. Ensemble, ils composent une cuisine de mémoire, mais en mouvement — une tradition vivante, nourrie par le temps et par la terre.
La terre, justement, est celle de Cascina Runate, la ferme familiale tenue par Valentina, leur belle-fille. C’est là que poussent les légumes, que paissent les bêtes, que naissent ces produits simples et parfaits dont tout découle. Rien n’est importé, rien n’est forcé : tout vient d’un écosystème qui respire avec la maison.

Le dîner commence comme un voyage dans le temps : une terrine de homard au caviar Osciètre Royal, posée comme un bijou sur un filet d’huile d’olive toscane. Puis vient un jardin d’automne, avec ses aubergines grillées et sa crème de burrata — un tableau simple et juste, qui parle de la terre plus que de la main.
Les pâtes, chez les Santini, sont un poème. Les lasagnettes à la génisse du Cascina Runate, leurs feuilles de navet et oignons rouges de Tropea ; les tortelli de potiron et amaretti, nappés de beurre et de Parmigiano Reggiano : tout ici respire la mesure, la tendresse, l’équilibre. Et le risotto au basilic, crème d’agrumes et poutargue de thon, fait partie de ces plats qui suspendent le temps — lumineux, clair, chantant.



La selle de chevreuil au cabernet et myrtilles, et l’épaule de génisse servie avec une polenta jaune fondante, portent cette vérité de la proximité : rien n’est plus noble que ce qui vient de chez soi.
Au fond, ce dîner n’était pas une succession de plats, c’était un acte de générosité.
Chez les Santini, la cuisine n’est pas un métier : c’est une manière d’être au monde. Leur maison n’impose rien, elle accueille. Elle vous rappelle ce que le mot service veut dire : une attention sincère, discrète, qui ne cherche jamais à briller, seulement à rendre l’autre heureux.

Dal Pescatore, c’est un pilier, un repère, un morceau de patrimoine vivant. Une table que chacun devrait connaître au moins une fois dans sa vie pour comprendre ce qu’est l’hospitalité dans sa forme la plus pure, la plus humaine.
Betty Marais