Claire Bâcle
« Le futur de notre métier ? Aller vers de plus en plus de bienveillance, vers plus d’humain ! »
Si, adolescente, Claire Bâcle a choisi son orientation dans la filière hôtellerie-restauration pour contredire ses parents, ses années de formation ont finalement confirmé une intuition précoce : ce métier allait devenir une passion.
Rigueur, empathie, mouvement permanent, les ingrédients qui font le cœur battant de la gastronomie sont autant de traits de caractère que l’on retrouve chez la responsable de salle. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à la profession et au magazine Le Chef qui l’a récemment nommée meilleure maître d’hôtel pour son travail au restaurant Anne de Bretagne.
Retour sur un itinéraire brillant.
Mes parents souhaitaient absolument que j’obtienne un bac général, alors, pour leur tenir tête, j’ai emprunté une filière professionnelle… Nous n’avions pas du tout la culture du restaurant mais j’aimais l’énergie qui s’en dégageait. J’ai donc pris cette direction. En chemin, j’ai découvert un univers qui me plaisait : en mouvement, humain, fait de voyages et de rencontres merveilleuses. Je pourrai m’y accomplir et y construire une carrière intéressante.
Racontez-nous votre parcours.
J’ai découvert le monde des étoilés lors d’un stage au restaurant du Château de Germigney, dans le Jura en 2010. J’avais beaucoup d’appréhensions qui se sont vite envolées grâce au chef Pierre Basso Moro et à l’équipe formidables. Plus encore, ce fut une révélation.
Parcours de Claire Bâcle :
- 2010 : Stage de BTS au restaurant du Château de Germigney.
- 2012 : Licence professionnelle et stage à L’Hostellerie de Levernois.
- 2014 : Saisons au restaurant 1920 du Chalet du Mont d’Arbois.
- Décembre 2015 : Poste d’assistante maître d’hôtel au restaurant 1920 du Chalet du Mont d’Arbois.
- Novembre 2016 : Poste de maître d’hôtel au restaurant Anne de Bretagne.
- 2019 : Prix du service du magazine Le Chef.
« Quand je vois la relation qu’ils entretiennent avec leurs clients comme avec leur équipe, je réalise que c’est vraiment ce que je veux faire. »
« La première saison, j’apprends énormément… surtout de mes erreurs ! Puis, la deuxième année, je réalise mon attachement à ce métier : j’aime manager, j’aime être au contact des gens et je gagne en aisance. »
Cela m’a forcément influencée. J’ai eu la chance de pouvoir grandir en pleine nature et j’y suis très attachée. La proximité avec l’océan, cette nature totalement préservée est d’ailleurs un des aspects qui m’a beaucoup séduite chez Anne de Bretagne. Et puis derrière chaque produit utilisé en cuisine on retrouve un homme, une femme. Il est essentiel pour nous d’aller les rencontrer, avec nos équipes, et de découvrir leur travail ; cela nous permet de mieux comprendre le sens des assiettes.
L’autre influence est celle du rapport à l’effort. J’ai toujours vu mes parents s’investir totalement dans leur ferme, alors le travail ne m’a jamais effrayée. Au contraire même. Je me suis toujours dit que je ne me voyais pas faire autrement, qu’il me fallait un métier dans lequel je puisse mettre autant de dévouement. C’est d’ailleurs une valeur que j’ai souvent retrouvée chez les personnes avec lesquelles je collabore, comme le chef Mathieu Guibert, lui aussi fils d’agriculteurs.
L’important c’est d’aimer ce qu’on fait, car ce sont des métiers très prenants et très exigeants.
« Il faut se lever tous les matins avec entrain et apprécier le contact humain. Nous ne sommes pas des machines, nos émotions sont différentes, alors il faut vraiment être à l’écoute : de soi, des clients et des membres de son équipe. »
Le premier était à Megève, lors de ma prise de poste d’assistante maître d’hôtel. À mon tour, je devais m’imposer une nouvelle rigueur, être un exemple car on ne peut pas baisser les bras lorsqu’on porte une l’équipe. L’arrivée à Anne de Bretagne, à un poste que je n’avais jamais occupé, était un important défi aussi ! On attendait de moi que je m’implique totalement dans la maison, c’était excitant bien sûr, néanmoins j’avais aussi peur de décevoir, de ne pas convenir. Cela fait maintenant trois ans que j’y suis, et pourtant, je m’interroge encore. Mais, avec le temps, on apprend à se faire confiance, à rebondir toujours plus haut, plus vite.
Et votre plus grande fierté ?
Réussir à donner du plaisir aux clients. Quand ils parlent chaleureusement du service, quand je sens que toute l’équipe se régale aussi, là c’est le bonheur. Il y a aussi la fierté que je lis dans les yeux de mes parents, de ma famille ! Quand je leur ai dit que j’allais travailler dans la restauration, ils ne comprenaient pas comment on pouvait s’y épanouir. Alors quand je les vois aujourd’hui entrer dans le restaurant, émerveillés, comprenant que c’est un lieu riche et passionnant, ou encore quand je vois mon papa conserver précieusement les articles concernant mon prix, c’est très fort. Et évidemment pour le prix du magazine Le Chef, c’était déjà une grande joie d’être nommée, alors lauréate… !!!
Beaucoup de patience, d’écoute et forcément de rigueur. J’ai l’impression, avec mes trois petites années de recul, qu’à ce poste on est moteur de l’équipe. C’est à nous de motiver tout le monde, à nous d’initier de nouveaux projets, à nous de trouver ce qui pourrait donner envie à chacun d’évoluer, et c’est cela qui permet de réjouir son équipe et donc ses clients. Il faut aussi beaucoup d’empathie : avec les clients, les premières minutes sont essentielles !
Qu’attendez-vous de votre équipe ?
De l’implication et de la motivation. Je préfère avoir quelqu’un qui manque de connaissances mais qui souhaite vraiment apprendre. Et bien sûr la bonne attitude, c’est-à-dire, beaucoup de bienveillance.
Je n’ai jamais eu de souci de toute ma carrière mais je suis heureuse de voir que les mentalités évoluent. L’équité dans une équipe est idéale, chacun peut apporter ses forces, on le voit d’ailleurs ici.
Aller vers de plus en plus de bienveillance, vers plus d’humain ! Le recrutement dans la restauration est un grand enjeu, il faut nous adapter aujourd’hui aux besoins des nouvelles générations ; c’est à nous de composer des postes qui répondent au mieux à leurs attentes.
« Je crois qu’il faut aussi casser certaines barrières, se rapprocher davantage du client, créer un espace chaleureux, rendre le grand restaurant plus accessible, plus bienveillant. Les maisons comme la nôtre doivent s’ouvrir aux autres. À Anne de Bretagne, par exemple, nous nous investissons auprès des écoles, nous organisons des activités pour montrer que l’univers de la gastronomie et les métiers qui en découlent sont accessibles ! C’est ainsi qu’on créera de nouvelles vocations ! »