Inge Waeles

« Nous avons une équipe très solide qui est avec nous depuis des années, j’ai confiance en eux et nous devons les soigner. »

C’est en cuisine, que les belges Inge Waeles et Tim Boury se sont rencontrés, alors que tous deux travaillaient dans le restaurant Comme chez Soi à Bruxelles. Car c’est bien la cuisine que voulait faire Inge, entrée très jeune dans une école hôtelière. Puis, en attendant d’être en mesure d’ouvrir leur propre établissement, chacun a de son côté enrichit son expérience, elle comme cheffe de partie, puis sous-cheffe dans de belles maisons : Hof Van Cleve, l’Auberge du Pêcheur, lui chez Oud Sluis auprès de Sergio Herman, puis comme chef du Belga Queen à Gand. C’est en 2010 que leur rêve se concrétise, à Roulers, petite ville située à 50km de la mer, à une centaine de Bruxelles. En toute logique, sans aucune amertume, et aussi parce qu’elle est devenue mère, Inge a quitté la cuisine pour la salle, mettant ses talents au service de ce projet commun.
Un travail de chaque instant récompensé par le titre de Chef de l’année 2017 Gault & Millau, et en mai 2022 par l’obtention d’une troisième étoile au Guide Michelin.

D’où vient votre choix d’étudier la cuisine ?

Ce n’est pas une histoire familiale, mes parents avaient une entreprise de construction.  
Ce sont eux qui ont choisi l’école hôtelière quand j’ai eu 12 ans, parce que j’aimais bien travailler avec mes mains et que j’étais créative. Tous les deux étaient des indépendants et j’ai su très tôt que moi aussi je voulais l’être, et avoir mon propre restaurant. Et puis, je suis une personne très sociable qui aime travailler en équipe. Je serais très malheureuse toute seule devant un ordinateur.

Le parcours d’Inge Waeles en 6 dates clés

  • Octobre 2010 : ouverture du restaurant Boury à Roulers
  • 2011: obtention de la première 1ère étoile Michelin
  • 2016: déménagement dans le restaurant actuel
  • 2017: Tim Boury est nommé Chef de l’année 2017 par Gault & Millau
  • Janvier 2022: Le restaurant Boury rejoint Les Grand Tables du Monde
  • Mai 2022: obtention de la 3ème étoile au guide Michelin

Quelles étaient les bases du restaurant que Tim et vous souhaitiez créer ?

Nous avions certains critères, comme par exemple l’emplacement qui est à 30km de ma région d’origine près de la côte et à 30km d’Ypres, où est la famille de Tim. Ypres ou Bruges étaient pour nous trop touristique et nous ne voulions pas travailler avec des saisons hautes et basses comme c’est le cas sur la côte. Nous voulions une activité régulière, quelle que soit la saison, avec de la continuité pour les produits et pour le personnel. 
Aussi, et ça c’était quelque chose de très important, nous cherchions un bâtiment avec un accès à l’arrière. Inimaginable pour moi par exemple, de recevoir une livraison tardive de poissons en traversant la salle.
Nous avons trouvé une maison, dans le centre-ville de Roulers, dans laquelle mon père a fait des rénovations pendant un an. Ce n’était pas très grand mais tout neuf.
Mais après seulement quatre ans Tim m’a dit qu’on avait besoin d’autre chose. Déjà ? Oui, a-t-il répondu, parce qu’ici on va faire du sur place. Alors nous avons trouvé cette maison, fait des travaux pendant deux ans et ça fait maintenant sept ans que nous y sommes.

Votre vision de la cuisine était clairement gastronomique ?

Oui, et ça depuis l’école. C’était vraiment très important pour moi de faire des choses très fines, complexes et soignées et de recommencer si ça n’était pas assez bien. J’ai toujours pensé qu’il fallait commencer très haut, et si ça ne convenait pas, peut-être faire moins complexe. Et puis, quand tu as travaillé dans les restaurants étoilés, c’est normal de continuer à faire ce que tu as appris.

À quel moment avez-vous décidé ou réalisé qu’il fallait quitter la cuisine ?

C’était un choix logique parce que démarrer un restaurant avec deux personnes à l’arrière en cuisine, c’est selon moi impossible. Déjà, lors de ma dernière année à l’Auberge du Pêcheur, alors que notre première fille était née, j’ai commencé à passer en salle. C’est là que j’ai compris qu’être mère et cheffe, ça ne marche pas quand votre mari est aussi chef. Quand on a ouvert notre restaurant, j’étais prête pour la salle.

N’était-ce pas un déchirement de quitter la cuisine ?

Non, parce qu’au début, j’ai beaucoup aidé Tim en cuisine. Il y avait plein de choses à faire. Et puis il ne s’agissait pas de la quitter pour toujours. Elle est à côté et j’y passe du temps. 
C’était vraiment le choix que je devais faire et je l’ai fait sans état d’âme.

Vous n’avez jamais souffert du fait d’être toujours citée comme la femme du chef ?

C’est comme ça. Et en fait, je n’y ai jamais pensé de cette façon. Peut-être aussi parce Tim n’est pas un chef qui accapare toute l’attention sur lui. Dans un restaurant étoilé, Il y a tellement de choses qui sont importantes. Si la cuisine est bonne mais que le reste est faible, ça ne peut pas marcher. C’est vraiment un travail d’équipe que nous faisons ensemble.

Comment gérez-vous l’équilibre entre travail et famille ?

La grande a quatorze ans et la petite dix ans et c’est devenu un peu plus compliqué.
Avant c’était ma mère ou une babysitter qui s’en occupaient. Tant qu’il y avait quelqu’un pour jouer avec elles, c’était bien. C’est pour cette raison que je suis maintenant le mercredi soir à la maison. En revanche Tim est présent à tous les services, du premier au dernier, depuis des années. Et s’il n’y est pas là, c’est qu’il a une très bonne raison, et toujours une raison professionnelle.

Comment veillez-vous au bien être de votre équipe ?

Nous avons changé nos jours d’ouverture. Avant c’était une semaine de cinq jours, mais c’était trop long, trop d’heures. Nous avons alors décidé de fermer le mercredi soir pour couper la semaine. Et puis nous avons encore changé, en fermant le dimanche, le lundi et le mardi pour faire un bloc. Nous avons une équipe très solide qui est avec nous depuis des années, j’ai confiance en eux et nous devons les soigner.

Quelle est votre vision d’un restaurant gastronomique ?

Nous avons toujours écouté nos clients, nous savons ce qu’ils aiment, ce qu’ils n’aiment pas, ce qu’ils veulent manger. Peut-être ne ferions-nous pas la même cuisine si nous étions à Paris, mais nous sommes à Roulers et c’est pour nos clients que nous travaillons. Tout en prenant soin de préserver notre identité. C’est important d’être heureux de ce qu’on fait, parce que nous vivons des compliments que nous font nos clients. C’est quand même très satisfaisant quand deux fois par jour les gens vous disent merci. C’est quelque chose qu’on ne doit jamais oublier.