Nina Mann

« Chaque table est une nouvelle histoire, mon travail consiste à injecter de la joie dans cette histoire. »

Nina Mann avait seize ans lorsqu’elle a poussé les portes de l’hôtel Meerfräulein pour commencer son apprentissage en gestion hôtelière, mais ce n’est que quelques années plus tard que sa véritable passion s’est révélée, la conduisant à devenir l’une des figures de proue de la sommellerie européenne, à seulement 32 ans.

Au cours des quatre dernières années, elle s’est forgée une place très convoitée en tant que sommelière dans l’un des plus prestigieux restaurants trois étoiles d’Allemagne : le Victor’s Fine Dining by Christian Bau. Elle a, en outre, décroché deux illustres récompenses : élue sommelier de l’année 2016 par le Schlemmer Atlas, et sommelier de l’année 2020 par le Gault & Millau.

Une ascension aussi fulgurante a de quoi faire tourner la tête, mais Nina a su rester fidèle à son objectif : veiller à la satisfaction de tous et, surtout, se concentrer sur le vin, et non sur elle-même. Voici pourquoi.


Son intérêt pour le vin ne découle pas du traditionnel coup de foudre à la première gorgée, mais de la prise de conscience, pendant sa formation, que c’est cette spécialité qui la stimulait le plus :

« J’interagissais avec les clients et je m’en voulais de ne pas pouvoir répondre à leurs questions, alors j’ai décidé d’étudier dans ce domaine. »

Elle a consacré les années suivantes à sa formation : à l’école, dans les vignobles et, bien sûr, dans les restaurants. « L’hôtel Bayern / Das Tegernsee était l’endroit idéal pour apprendre à élaborer une bonne carte des vins, mais mon expérience en tant que commise sommelière au Kronenschlösschen, après mon apprentissage, a été l’une des périodes les plus instructives de ma vie, notamment en raison de sa cave à vins légendaire. Ensuite, mon poste de chef sommelière au Die Zirbelstube a été décisif car j’ai beaucoup apprécié le professionnalisme de l’établissement. »

Parcours de Nina Mann

  • 2004-2007 : Apprentie gérante à l’hôtel Meerfräulein, à Wemding.

  • 2007-2008 : Commise de rang à l’hôtel Bayern, à Tegernsee.

  • 2011-2012 : Commise sommelière à l’hôtel et restaurant Kronenschlösschen, à Hattenheim.

  • 2013-2014 : Sommelière au restaurant Nagaya, à Düsseldorf.

  • 2014-2016 : Sommelière au restaurant Zirbelstube de l’Althoff Hotel, à Stuttgart.

  • De 2016 à aujourd’hui : Sommelière au restaurant Victor’s Fine Dining by Christian Bau, à Nennig.

  • 2016 : Élue sommelier de l’année par le Schlemmer Atlas.

  • 2019 : Élue sommelier de l’année 2020 par le Gault & Millau.

Deux ans plus tard, elle a reçu un appel de son chef actuel, qui l’invitait à rejoindre l’équipe du restaurant Victor’s Fine Dining. Cette adresse s’est avérée l’endroit idéal pour perfectionner ses compétences et sa philosophie, en accord avec les merveilleuses créations culinaires de Christian Bau.

Si Nina concède qu’elle apprécie les vins naturels tels que le très en vogue vin orange, elle rappelle que dans la cave à Nennig, on ne se jette pas nécessairement sur les dernières tendances. La carte des vins doit servir un unique but : se marier à la perfection avec les plats du chef.

« Ses plats sont complexes et élégants, il faut donc proposer des vins qui leur fassent écho, des vins produits depuis des générations par des viticulteurs en qui nous avons une totale confiance. »

C’est l’un des éléments qui la fascinent le plus : « Ce que j’aime particulièrement, c’est qu’on voit terroir, on goûte le terroir, chaque bouteille contient des bribes d’une même histoire, on peut presque goûter les gens qui ont produit ce vin. »

Cela lui permet également d’engager des conversations avec les clients : « Les clients adorent notre carte des vins, ils s’attendent à y trouver de grands Bordeaux et Riesling par exemple, mais ils aiment aussi découvrir de nouvelles chose  ! »

Et pour Nina, il n’y a rien de plus intéressant. Son moment préféré est l’heure de l’ouverture, quand elle rencontre de nouveaux clients : « Chaque table est une nouvelle histoire, et mon travail consiste à injecter de la joie dans cette histoire. »

Comment être en accord avec les besoins du client ? Tout passe par une bonne communication :

« Tout est dans le vocabulaire. Il faut poser des questions simples, qu’aiment-ils boire, quels sont les vins qu’ils boivent le plus souvent ? S’ils expliquent qu’ils aiment le pinot blanc, je peux peut-être les orienter vers un chinon blanc de Loire, par exemple. »

Une méthode anti-snobisme qui s’est révélée très efficace dans le monde souvent fermé du vin. Cette approche se retrouve également dans son travail avec les stagiaires. Son conseil pour les plus jeunes : rester simple.

«Il suffit de regarder et d’écouter, d’être attentif et agréable, de montrer au client qu’il n’y a pas de mauvaises questions. Plus vous créez un environnement propice à l’échange, plus vous avez de chances de vous comprendre. Il est primordial d’apprendre à décrire le vin avec ses propres mots et d’exprimer son ressenti personnel. »

Lorsqu’on lui demande quels sont les principaux enjeux dans son travail, elle répond avec candeur qu’elle aime trop ce qu’elle fait pour le voir comme un défi.

Spontanément, nous pensons à la tâche herculéenne qui consiste à apprendre tant de références, d’histoires, de terroirs, de saveurs, etc. mais la sommelière insiste : la seule chose qui lui permet de garder les pieds sur terre, c’est l’importance d’être un exemple pour les autres.

« Tout le monde sait que le secteur de la restauration est un monde difficile, et qu’il est de plus en plus dur d’attirer de nouvelles recrues. Nous vivons à une époque où il est absolument vital de prendre en compte le ressenti de ses collègues, de les écouter, de créer un environnement de travail propice au bien être. »

Nina se réjouit de la direction que prend le secteur : « Je pense que les angles s’arrondissent, les gens ne sont plus aussi durs qu’avant, ce qui est une bonne chose. Je me souviens d’une personne un jour qui m’a dit que la restauration était une aventure, et je pense que nous devrions tous l’appréhender comme ça. C’est le meilleur travail au monde, que vous soyez sommelier ou autre, parce que le restaurant peut devenir une véritable famille ».

Pour elle, ce sont les expériences qui importent. Les récompenses, les prix, les concours, etc. sont bienvenus, mais c’est son travail au restaurant qui l’intéresse par dessus tout.

« Travailler avec une équipe soudée, s’entraider, s’encourager les uns les autres, rencontrer de nouveaux clients, tout cela fait partie de notre travail ! Il est important de rappeler que sommelier est un véritable métier, pas une rampe pour être projeté sous les projecteurs. Il faut penser en priorité aux clients et à l’équipe, et à la manière de les faire briller eux plutôt que d’essayer de s’attirer toute l’attention. »

En parlant de projecteurs, que pense-t-elle de la sous-représentation des femmes dans le secteur ? « En Allemagne, les femmes occupent déjà des postes de haut niveau dans notre domaine. Je me souviens que cette problématique était déjà soulevée à l’époque où j’ai commencé mon apprentissage. À l’école, il y avait un nombre égal de femmes et d’hommes. »

Une bonne raison de faire le voyage en Allemagne et de rencontrer quelques-unes de ces femmes en vue, parmi lesquelles Nina Mann !