Rebecca Escalant

« A 20 ans je dirigeais 15 chefs de rang, uniquement des hommes, qui avaient tous le double de mon âge. J’étais à l’aise, je me sentais dans mon élément »

Le nom de Stéphanie Le Quellec est connu. Celui de Rebecca Escalant l’est moins, et pourtant ! Les deux femmes forment un puissant binôme à l’origine de La Scène, l’adresse gastronomique de la cheffe ouverte en 2019, puis des lieux qui, dans le sillage ont suivi.

Avec Stéphanie Le Quellec, Rebecca Escalant partage une même envie, une même volonté d’aller de l’avant. Une force aussi. Ce sont elles qui assurent à leur écosystème continuité, cohérence et cohésion. Elle ne fait pas une chose à la fois. Plutôt trois. Avec passion, audace et détermination. Un caractère qui se ressent quand on l’interroge sur son parcours.

Quels ont été les moments charnières de votre parcours, les rencontres marquantes ?

Aux prémices, je ne me destinais pas à l’hôtellerie-restauration, ce n’était pas une orientation que ma famille voyait d’un bon œil. J’ai donc commencé par un double master marketing et finance à l’American Business School à Paris. Parce que je fais toujours plusieurs choses à la fois, c’était un double master franco-américain ! En parallèle, je me suis quand même débrouillée pour travailler chez Lenôtre. Je remercie Patrick Scicard de m’avoir donné ma chance. J’ai commencé en tant que serveuse, puis hôtesse. Peu à peu, j’ai gravi les échelons, jusqu’à devenir, à 20 ans, responsable d’une partie des loges VIP du Stade de France. J’ai aimé prendre des responsabilités. C’est une première expérience qui m’a initiée au service de l’excellence.

Pour mon premier stage d’école, je voulais absolument entrer au Ritz. Je connaissais toute l’histoire de ce palace qui me fascinait ! Quand je me suis présentée, on m’a dit que je ne pouvais pas rencontrer directement les RH (sans rendez-vous). J’y suis quand même allée et, à l’entrée, le vigile ne voulait pas me laisser passer. Mais j’ai tellement insisté qu’il a fini par céder. C’est ainsi que j’ai finalement eu mon stage !

Rebecca Escalant en 8 dates clés

  • 2007-2012 : Hôtesse, maître d’hôtel, puis responsable loges VIP chez Lenôtre.
  • 2010 : Stage à la Conciergerie du Ritz Paris, puis en extra à différents postes (groom, hôtesse…).
  • 2012 : Stage à la direction F&B de l’Hôtel de Crillon
  • 2013 : Management training au Ritz-Carlton Hotel à Tokyo.
  • 2013-2014 : Community manager et coordinatrice à l’Hôtel Prince de Galles.
  • 2014-2016 : Coordinatrice F&B à La Réserve Paris Hôtel & Spa.
  • 2016-2018 : Sales & event manager à La Réserve Paris Hôtel & Spa.
  • 2018-2019 : Consultante en ventes et marketing pour différents clients.
  • Depuis 2019 : Directrice d’exploitation à La Scène**.

J’ai travaillé à la Conciergerie du Ritz dans l’équipe de Michel Battino (chef concierge), un homme extraordinaire et c’était formidable. Son équipe m’emmenaient partout, j’ai appris les restaurants et le marché parisien, j’adorais manger et réaliser les rêves des clients. Le relationnel m’a toujours plu car j’aime faire plaisir, émerveiller, me sentir utile et conseiller. Suite à ce stage, je suis restée 3 mois de plus en relations clients, tout en continuant mes études. Je suis d’une curiosité insatiable. Je voulais expérimenter tous les postes car je m’étais toujours dit que je serais Directrice Générale d’un hôtel, et pour moi il était essentiel de connaître tous les services.

Pour mon deuxième stage, je suis entrée à l’hôtel de Crillon, à la direction de la restauration avec Loic Launay et Pierre Jung. J’avais en tête qu’après avoir été du côté de l’hébergement, je devais me confronter à l’univers de la restauration.

J’ai toujours aimé dans les palaces cette exigence de chaque instant, de chaque détail ; la qualité, le respect, la précision, la gastronomie aussi bien sûr. Pour moi, il y avait un pays qui représentait tout cela, c’était le Japon. C’est pourquoi, une fois mes études terminées, j’ai décidé d’y aller. Je me suis envolée pour Tokyo et je me suis inscrite pour 3 mois intensifs de cours de japonais. C’était la ville la plus étoilée au monde, elle m’intriguait beaucoup.

Dans un premier temps j’ai surtout testé les petits-déjeuners, cocktails et tea-time des palaces, qui étaient plus accessibles. C’est comme cela que je suis entrée un jour au Ritz Carlton. J’ai envoyé un message au Directeur General sur LinkedIn et il m’a proposé un management training. Mon profil les intéressait : j’étais française et je parlais anglais, ce qui était idéal pour s’adresser à la clientèle. Je l’ai vécu comme on vit son service militaire, intensément. Pour me forger.

Dans le même temps, j’ai été contacté par Marc Rinaldi (que je ne remercierai jamais assez) qui était à la recherche d’un chef japonais pour un événement qui réunissait les chefs du monde entier afin de valoriser les vins d’Alsace. Il savait que j’étais à Tokyo et il m’a alloué un budget très confortable pour que je teste sur place les restaurants 3 étoiles. C’est ainsi que je me suis retrouvée, chaque semaine, à la table des meilleurs restaurants de la ville. J’étais une jeune femme, étrangère, seule, qui prenait des notes au restaurant. J’étais un ovni !

Puis je suis revenue à Paris. Pierre Jung était alors directeur de la restauration du Prince de Galles. il m’a sollicitée pour la mise en place des fêtes de fin d’année. Je suis finalement restée en travaillant sur le F&B, les réseaux sociaux, ou même en étant assistante du directeur général… C’est là-bas que j’ai rencontré Stéphanie, mais aussi mon mari, Guillaume Goupil, qui était son sous-chef.

Avec Stéphanie, cela a été un véritable coup de cœur humain et professionnel. Nous avons la même vision des choses, la même ambition d’aller toujours plus loin, avec exigence. Stéphanie arrive à emmener les gens avec elle et c’est sa grande force. Elle est très curieuse et s’ouvre à plein de choses, se nourrit de chacun et en même temps elle nous fait tous grandir. De mon côté, pour avancer, j’ai besoin de m’intéresser à plein de sujets à la fois, c’est ce qui me nourrit. Quand je suis partie du Prince de Galles, elle m’a dit une phrase dont je me souviens encore : « un jour, tu verras on retravaillera ensemble ! »

J’ai suivi Pierre Jung pour l’ouverture de La Réserve Paris, où je me suis confrontée à l’extrême personnalisation d’un lieu. Quand il n’y a que 42 chambres, on rentre vraiment dans le détail et dans l’histoire, au plus près de l’humain.
Etant « un couteau-suisse » à l’aise dans de nombreuses missions, j’ai vite pris des responsabilités sur les évènements, le commercial, la communication et eu l’occasion de m’occuper des marchés français, belge et chinois.

Trois ou quatre ans plus tard, quand Stéphanie est partie du Prince de Galles, elle m’a recontactée. Ensemble, nous avons préparé l’ouverture de son lieu, nous avons créé La Scène** avenue Matignon de toute pièce. Si l’on se complète si bien, c’est parce que Stéphanie est instinctive et intuitive là où, de mon côté, je planifie et organise beaucoup. Nous sommes aussi toujours en pleine ébullition d’idées et on a profond respect l’un envers l’autre.

La Scène** a ouvert en octobre 2019 et, seulement 4 mois plus tard, nous avons obtenu avec l’équipe deux étoiles au Guide Michelin. C’était une grande fierté.

Ensuite, il s’est vite passé beaucoup de choses : le COVID avec la mise en place de bons plats à emporter et en livraison, l’ouverture de « MAM » notre épicerie ou « Maison de Cuisine dédiée à la cuisine de Maison », j’ai été maman et nous avons fait notre entrée dans Les Grandes Tables du Monde. J’en rêvais aussi.

Et aujourd’hui nous montons notre bureau commercial, marketing, comptable pour continuer de structurer cette famille qui est en train de s’agrandir. Nos collaborateurs se développent dans le groupe, nous grandissons tous ensemble et c’est ce qui rend le cercle si vertueux. Stéphanie parvient à faire sortir le meilleur de nous-même. Nous sommes une équipe heureuse et épanouie.

Aujourd’hui, quelles sont vos missions à La Scène** ?

Notre groupe est en pleine phase de croissance. En tant que directrice d’exploitation, j’assure le bon déroulement de cette croissance, en recrutant les profils adéquats et en structurant nos équipes, nous étions deux en avril 2019 et aujourd’hui en 2022, 70 personnes. Je suis en lien avec toutes les parties prenantes, je planifie et organise les idées. J’assure aussi deux à trois services par semaine au bistrot.

Qu’est-ce qui distingue La Scène** d’un autre restaurant ?

Au-delà de la cuisine de la cheffe, c’est l’équipe qui fait toute la différence. L’équipe qui accueille et qui sert ; Stéphanie Le Quellec, présente à chaque service, qui salue les clients depuis la cuisine ouverte.

Nous connaissons nos clients, il y a beaucoup d’habitués parmi eux. La Scène** est une véritable auberge au cœur du 8ème arrondissement. On y revient pour cette chaleur, ce côté “comme à la maison”. Les convives ressentent le fait que nous n’avons pas l’impression de venir travailler et que l’on se retrouve ici comme une grande famille, pour faire avancer un même projet et le mener à bien chaque jour avec ce souci de l’excellence. On avance tous ensemble parce qu’on partage les mêmes valeurs, on se tire les uns les autres vers le haut.

Comment continuer de mettre en valeur le restaurant gastronomique tout en faisant vivre l’écosystème global de la cheffe ?

Le restaurant gastronomique de La Scène** est au cœur de l’écosystème que nous avons construit. Tout part de là. Stéphanie est tous les jours en cuisine, elle incarne le lieu. C’est cette authenticité que l’on retrouve dans les autres adresses que nous avons ouvertes, car c’est avant tout une aventure familiale : l’épicerie MAM est dirigée par Patricia la maman de Stéphanie, tandis que notre nouveau restaurant de poissons, coquillages et crustacés Vive « Maison Mer », est dirigé par son mari David Le Quellec. Les lieux se répondent les uns les autres. Avec Stéphanie, l’entreprise se conçoit en famille, et c’est une mentalité que l’on retrouve aujourd’hui dans les équipes.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre métier ?

Le challenge actuel est de parvenir à se canaliser, à se développer intelligemment en trouvant les bonnes personnes pour continuer d’avancer en restant soudés, tous ensemble.

Le restaurant La Scène** est-il avant tout une histoire de femmes ?

C’est vrai qu’il y a une dimension très matriarcale, surtout aux débuts de La Scène**. Au départ nous n’étions que toutes les deux, Stéphanie et moi-même, nous avons tout construit. Puis il y a eu l’arrivée de Pierre Chirac, notre formidable chef pâtissier, puis Joseph Desserprix et Mathias Maynard qui forme un duo exceptionnel à la Scène.
Avec l’ouverture de MAM, Patricia sa maman est à son tour « entrée en scène ». Maintenant, du fait de notre développement, il y a une belle diversité au sein des équipes.

Dès votre plus jeune âge, vous avez évolué dans un monde d’hommes. Était-ce difficile de faire votre place ?

Chez Lenôtre, quand j’étais responsable d’une partie des loges VIP du Stade de France, j’avais environ 20 ans et je dirigeais 15 chefs de rang, uniquement des hommes, qui avaient tous le double de mon âge. Mais je ne me posais pas la question. Je fonçais, j’étais sûre de moi car je savais ce que je faisais. J’étais à l’aise, je me sentais dans mon élément.
Au Japon, c’était plus compliqué. Non seulement j’étais une femme, mais aussi une étrangère. J’ai néanmoins réussi à me faire accepter car j’étais passionnée par leur culture, je m’y montrais ouverte. Grâce à mes compétences aussi.

Dans votre métier, quelle est votre plus grande fierté ?

Tout d’abord l’équipe que nous avons réussi à construire. C’est une équipe qui fonctionne. Je suis aussi fière des clients qui reviennent, qui sont là chaque semaine, et qui vivent pleinement notre écosystème à travers nos différentes adresses. Ils apprécient notre authenticité et la qualité des produits sourcés. Ce sont évidemment des valeurs auxquelles je suis très sensible. J’ai d’ailleurs un potager à une heure de Paris où j’aime aller me ressourcer. Cela m’apaise, et les produits que nous cultivons là-bas avec Guillaume Goupil nous permettent de préparer d’extraordinaires pots pour bébé !

Quels sont vos projets ?

Au niveau du « groupe » comme je l’évoquais précédemment, nous venons d’ouvrir le restaurant Vive « Maison Mer », à la place du Rech d’Alain Ducasse, 62 avenue des Ternes dans le 17ème arrondissement. A travers cette nouvelle adresse nous continuons de raconter notre histoire, cette fois-ci tournée vers la mer, un restaurant joyeux, chaleureux où nous proposons des belles assiettes de partages, des cocktails, du saké, un lieu vivant !