Tanja Wegmann
« Montrer l’exemple »
D’où vient l’attrait de l’établissement le Grand Hotel Les Trois Rois à Bâle ? Qu’est-ce qui en fait l’une des adresses les plus prestigieuses et les plus luxueuses d’Europe ? Selon Tanja Wegmann, directrice de l’établissement, c’est avant tout une question de cœur.
De la réouverture en 2006 et l’arrivée du chef Peter Knogl au restaurant Cheval Blanc, à la création de nouvelles expériences (elle vient d’ouvrir l’exquise boutique de fleurs « Fleurs des Rois »), Tanja Wegmann s’est pleinement investie dans l’édification et le partage de l’esprit de l’hôtel et sa devise : « Riche en histoire, jeune de cœur ».
Pour le programme « Femmes en vue », elle nous parle de transmission, de leadership et des qualités nécessaires pour créer l’une des meilleures équipes d’accueil au monde. Nous vous prévenons : il est question de flammes dans le regard !
© Ben Koechlin
Vous avez participé à la transformation du Grand Hotel Les Trois Rois en 2006 et largement contribué à faire de cette maison de grande tradition l’une des meilleures adresses de l’hôtellerie suisse, et du Cheval Blanc l’un des meilleurs restaurants du monde. Quelle a été votre approche ? Comment s’est passée la collaboration avec Peter Knogl ?
Maintenir un tel niveau de qualité de service, d’hospitalité et de produits exige évidemment beaucoup de travail. Mais, l’ingrédient secret, c’est que nous aimons ce que nous faisons. Il y a quelques années, alors que je travaillais dans la joaillerie de luxe, je me suis aperçue que mon cœur penchait plutôt pour le secteur de l’hôtellerie, de l’accueil. Il est important de travailler avec des équipes passionnées. Regardez Peter Knogl, il est non seulement excellent chef cuisinier, mais aussi un être formidable, qui inspire respect et engagement.
Une bonne communication est également très importante. Au Grand Hotel Les Trois Rois et Le Cheval Blanc, nous nous réunissons presque toutes les semaines pour échanger nos idées, discuter de nouveaux projets, partager nos inspirations. Dans la gastronomie, il faut avoir une vision précise et communiquer clairement sur sa cuisine et la manière dont on veut la partager.
« Et comme Cheval Blanc fait partie intégrante de l’hôtel, les messages doivent être cohérents. Peter Knogl est maître dans ses restaurants, mais nous en sommes les médiateurs. »
Parcours de Tanja Wegmann
- 1993 : École hôtelière de Lausanne.
- 2002 : MBA Henley Business School. Programme accéléré pour jeunes diplômés à l’IHG (Inter-Continental Hotels & Resorts)
- 2005-2006 : Gestionnaire au Grand Hotel Les Trois Rois.
- 2007- 2009 : Directrice générale du Grand Hotel Les Trois Rois.
- 2007 : Ouverture du Cheval Blanc by Peter Knogl.
- 2009-2017 : Joaillerie de luxe (Bucherer & Hublot).
- 2018 : A nouveau directrice générale du Grand Hotel Les Trois Rois.
La devise du Grand Hotel Les Trois Rois est « Riche en histoire, jeune de cœur». Quel est le juste équilibre entre tradition et innovation ?
Nous appliquons notre devise au quotidien ! « Riche en histoire » constitue un aspect fondamental et inhérent à notre maison depuis 1681. Nous en sommes très fiers mais nous veillons également à maintenir un esprit jeune en créant un équilibre fertile entre tradition et innovation. Tout ce que nous entreprenons repose sur cet état d’esprit, et nous voulons que nos invités et notre personnel le ressentent, qu’ils le retrouvent aussi bien dans un nouveau menu que dans un cocktail original. Même nos uniformes, qui en sont sans doute l’exemple le plus éloquent, sont fabriqués selon cette devise. Ils semblent à première vue traditionnels, pourtant la veste intérieure est très colorée, gaie, et notre devise « Jeune de cœur » y est brodée. Les clients ne peuvent pas la voir, mais c’est un rappel quotidien pour le personnel que Les Trois Rois doit être un lieu propice à la créativité, aux nouvelles idées et aux contributions.
Tout ce qu’il faut, c’est rester jeune de cœur. C’est ce que j’explique, en tant que responsable, à nos nouvelles recrues. Lors d’un entretien, je cherche à déceler cette attitude, cette flamme dans le regard. C’est quelque chose d’extrêmement important. Vous pouvez avoir le meilleur CV, si vous n’avez pas cette attitude jeune de cœur, ça ne fonctionnera tout simplement pas.
« Ce lieu exige de la passion, et la meilleure façon de la partager et de la répandre est de donner soi-même l’exemple. C’est beaucoup plus efficace que n’importe quelle formation. »
Quels sont, selon vous, les facteurs les plus importants pour réussir dans le secteur de l’hôtellerie aujourd’hui ?
Comme évoqué précédemment, vous devez vous entourer des meilleurs ! Chercher la bonne personne, trouver le bon état d’esprit, celui qui fera ce petit effort supplémentaire, qui rendra possible l’impossible. Cela exige d’être constamment à l’écoute, d’apprendre de chacun, mais aussi de se connaître les uns les autres. Au fond, le plus important, c’est de bien connaître l’ensemble de l’équipe. Retenir le nom de tout le monde, leur faire savoir qu’ils sont reconnus et respectés, et ils en feront alors de même avec les clients.
Ce qui nous motive, ce sont les retours positifs des clients et des propriétaires. Je dis toujours à l’équipe « Vous savez quel est le plus beau cadeau ? Quand un client quitte l’hôtel, vous serre la main et vous dit que vous avez la meilleure équipe du monde ». Personnellement, ça me rend très fière et heureuse, et c’est la preuve que nous sommes sur la bonne voie.
De plus en plus de femmes rejoignent le secteur de la gastronomie, et de plus en plus de jeunes femmes ont l’ambition de réussir dans ce domaine. Quel conseil leur donneriez-vous pour les aider à accomplir une carrière comme la vôtre ?
Je leur conseillerais d’être passionnées par ce qu’elles font, et surtout de rester elles-mêmes. Quand j’ai commencé, il y a vingt ans, je me comportais de la sorte, mais aujourd’hui, je suis fière d’être une femme, je suis davantage moi-même. N’essayez pas de prouver quoi que ce soit au monde, ni aux hommes, ni à la direction. Restez authentiques, restez motivées et aimez ce que vous faites. Nous devons montrer à tout le monde que nous voulons être respectées pour ce que nous faisons, pour notre travail et nos passions, et non pas pour une quelconque attitude.
Bien sûr, il n’est pas toujours facile d’être une femme dans notre secteur. Il n’est pas toujours facile de concilier vie professionnelle et vie de famille. Nous ne recevons pas beaucoup d’aide en ce sens, même si de plus en plus de services facilitent les choses désormais. Mais avec une bonne coordination et des gens qui vous soutiennent et vous aident, vous pouvez y arriver. C’est formidable de voir que l’hôtellerie et la gastronomie accordent de plus en plus de place aux femmes, et à des postes de haut rang, mais au bout du compte, ce qui compte vraiment, c’est l’être humain en face de soi, c’est la personnalité qui fera la différence !
« Restez naturelles ; n’essayez pas de vous montrer plus autoritaires, plus dures ou plus masculines. »